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05

juin 2022

LA VOGALONGA

Publié il y a 2 ans par

LA VOGALONGA

Le dimanche 05 juin 2022

VENISE 34 KM


Aviron de compétition

Résultat

VOGALONGA

Vogalonga 2022 – Le Schelcher à Venise, fluctuat nec mergitur


Sur le site www.Vogalonga.com, il est précisé que « la Vogalonga est une célébration non compétitive pour tous les rameurs, un témoignage pacifique contre la houle et la dégradation de sa lagune, qui unit les rameurs vénitiens et les amateurs du monde entier ».
Houle, le mot est lâché. Houle, foule, moule(s), coule (aussi)….
Nous partîmes à quinze, et malgré nos mésaventures, nous restâmes quinze à arriver au port.
Dans le premier bateau, Patrice, Marc, Corine, Antoine et Francis, arrivés dès le jeudi, en ont profité pour déambuler dans les allées de la Biennale d’art contemporain.
Dans les deuxième et troisième bateaux, Isabelle, Louis, Nadège, Valérie et Anna d’un côté, Sophie, Hélène, Guy, Jean-Pierre et Alain de l’autre, se sont joyeusement laissés cornaquer par l’intendance gourmande de Nicolas, joyeux compagnon de Valérie. Dès le vendredi soir, les agapes commencent, pâtes et gelatti.

Et le samedi matin, promenade et découverte, dolce vita et tutti quanti.
Mais le samedi midi, les choses sérieuses commencent.
Patrice avait récupéré les dossards et les T-shirts, ainsi que le lieu hasardeux d’embarquement. Au fin fond de Tronchetto, port de Venise, il retrouva la remorque de Véga, à qui nous avions loué trois yolettes, et qui nous avait également transporté quinze paires d’aviron aux couleurs du Schelcher.
L’embarquement… enfin, peut-on appeler cela ainsi. Une jetée, environ 0,80 m de hauteur, des poteaux tous les deux mètres entre lesquels se faufile la yolette, inclinée en tous sens. Miracle, au pied, un petit ponton flottant de dix mètres environ. A peine la yolette sur l’eau, il faut embarquer, d’autres bateaux attendent ….
Beaucoup ont laissé les bateaux attachés alentour, d’autres se sont lancés jusqu’aux Giardini, du côté de l’Arsenal, à l’autre bout de Venise. Nous fûmes de ceux-là, l’aventure commença.
Patrice, déjà expérimenté du parcours, remonta tranquillement par le Grand Canal. Nous partîmes par le Canal del Giudecca, grand canal de navigation portuaire qui débouche face à la place St Marc.


A peine avions-nous franchi le cap du premier dock que la houle quadratique s’amusa de nos yoles.
De lourds navires fluviaux, nous devenions à l’instant de frêles esquifs que l’onde à souhait ballotait amplement. Mais bast, nos courageux rameurs ne désarment point, ils luttent en douceur contre la vague tenace, la technique parle, l’équipage est soudé… Après trois kilomètres à l’horizontale, et probablement quelques centaines de mètres en cumul vertical (burp !), nous arrivons au droit de la cathédrale St Giorgio Maggiore, en face de la place St Marc. Le resserrement du canal, la multiplication des navires croisant en tous sens, le souffle puissant du vent, bref, la zone, de mal pavée, devient franchement chaotique. Nos pieds restés au sec reçoivent leur premier bain. Les
embruns tout d’abord, puis de premières vagues qui s’essayent à franchir le plat-bord. Nous avions bien prévu quelques écopes, mais que peut un litre sorti quant dix aussitôt du navire montent à l’assaut. A la barre, je m’enfonce doucement. Les pieds, les chevilles, les mollets se détrempent, puis l’assise est humide. Vaillamment, sans un mot, sans panique, l’équipage rame, courageux, tenace, concentré.

Comment font-ils donc, les dames de nage se noient, les palettes pour un coup sont en l’air, quant au suivant elles ne quittent pas l’onde. Mais on avance. Les Giardini, havres de verdure près de l’Arsenal, sont bien en vue, mais encore si loin. Une certitude dans mon esprit, nous ne l’atteindrons pas. Je me dis : nous avons des caissons étanches, même alourdis de marée, nous flotterons… sauf que nous flottons de moins en moins, et mergiturons derechef. Je bifurque donc, pour rejoindre le quai en aval de St Marc. Plus que trente mètres, dis-je histoire d’encourager les rameurs emplis d’une ferveur digne des Dieux, Spartacus en eut été émerveillé, tout comme je le fus, bien que n’étant point Spartacus.

Le plat-bord ne retrouve l’air qu’occasionnellement. Plus que vingt mètres, le plat-bord ne respire plus que par habitude. Plus que dix mètres, le plat-bord entre en apnée. Plus que cinq mètres…. Mais comment font-ils pour encore faire avancer le bateau, sont-ce des Dieux, sont-ce des anges ? Le quai semble haut, vu de notre naufrage. L’amarre d’un immense yacht est fixée à une énorme bouée, elle-même plaquée au quai. A côté, un large escalier digne de nous héberger. Las, il faut saisir l’occasion avant que la houle ne nous fracasse contre le quai. Dans le sac, il y a des cordages, certes de montagne, mais ne faisons pas la fine bouche. Sauter à l’eau (peut- être qu’en allégeant ainsi les autres retrouveront-ils de la hauteur…), escalader la bouée, Guy, de la nage, lance le sac. Puis escalader le quai, sortir le cordage, le lancer à Hélène, au quatre. Et du quai,
tirer le bateau jusqu’à l’escalier, le ranger le long de la marche basse. Les valeureux galériens, dignes des plus beaux éloges, évacuent le navire, que je cale de mes pieds, que le ressac ne fracasse pas la coque contre la pierre. Nous l’inclinons, le vidant à moitié. Puis nous le montons jusqu’au quai et le vidons complètement, constatant que les caissons ont oublié ce que signifie le mot étanche. De l’aide : un couple d’Hindous, sympathiques et courageux, et un ou deux passants aussitôt repartis. A si, vive les Italiens : le seul qui s’approche, tout en aidant, nous insulte d’avoir fait cela, avec force mots et gestes dénués d’ambiguïté. Deux couples d’amoureux italiens, assis sur les marches à deux mètres du navire, continuent leurs babillages sans nous prêter attention. Bilan, quelques rayures sur la coque et sur mes chevilles, les femmes, si courageuses, les hommes, si solides, les enfants …. y en n’a pas… le Spritz, non pas encore… bref tout est sauf.


L’aventure de la yolette avec Isabelle à la barre et Louis, Valérie, Nadège et Ania en vaillants rameurs connut un terme plus serein mais ils ont traversé la même houle et fait face aux mêmes bateaux.
Partis du port sans avoir vraiment reçus d’indication bien claire sur la destination finale, ils ont d’abord fait des ronds dans l’eau pour attendre notre embarcation avant de s’engager comme nous dans le bras mouvementé qui longe la grande île par le sud. Leur yolette est malmenée par les vagues, le trafic de bateaux à moteur de toutes tailles est intense mais Isa, d’une main ferme de marinière confirmée optimise sa trajectoire et les coups de pelles ne faiblissent pas. Venus à Venise autant pour flotter que pour profiter du paysage, l’équipage jettent de furtifs mais admiratifs coups d’œil permettant d’admirer la basilique Santa Maria della Salute et la Basilique San Marco !
Enfin, au moment de traverser le bras pour rejoindre ce qu’ils pensent être le parc des bateaux, ils redoublent la cadence et la puissance pour passer à travers les bateaux à moteur. A la dernière seconde, ils découvrent que ce qu’ils croyaient être l’arrivée est l’embarcation de Patrice qui est coincée entre des poteaux et un petit escalier. Les vagues risquent de les fracasser sur le bord,
Isabelle exhorte ses troupes pour parcourir d’un dernier effort les 450 derniers mètres et enfin accoster, saufs mais peut-être plus tout à fait sains, sur la montée des Giardini ! L’entraide permet de mettre rapidement le bateau sur l’herbe et d’aider les suivants…
Pendant que nous vidons le bateau, Jean-Pierre file aux Giardini, et revient avec les deux autreséquipages. Et nous voilà déambulant sur le quai, franchissant les ponts, la yolette à la main ! Belle entraide ! Nous apprenons que le navire de Louis est arrivé à bon port (serait-ce parce qu’il n’y avait que des poids légers… pure jalousie de ma part, qu’en pensez-vous ?), mais que celui de Patrice, également en surcharge pondérale (le bateau, pas Patrice), a connu les mêmes déboires que nous dès passée la place St Marc. N’ayant pu accoster que dans une zone très complexe, la coque en a subi des outrages plus ultimes. Nous repartons chercher son bateau laissé en attente sur le quai. Je laisse à Patrice le soin de narrer leur aventure.
Nous rentrons à l’hôtel, non sans avoir remonter le moral des troupes avec un Spritz de toute beauté, face au lieu du naufrage, en imaginant toutes les autres solutions pour monter au départ.

Las, rentrant en Corrèze, l’entraîneur de Brive me dit qu’il fit clairement naufrage en partant depuis le continent par un vent dévorant. Donc, à moins d’avoir un anneau au pied d’un palais vénitien…propriété d’un prince vénitien dont ont tant rêvé nos souriantes rameuses…
Fin du premier épisode


Et début du second ! Bien moins original, il faut bien le dire : la Vogalonga. Nous nous retrouvons tous les quinze aux Giardini. Patrice et son équipe ont colmaté leurs brèches. La mer est déjà couverte de navires de toutes natures, du paddle aux barques tahitiennes à vingt rameurs, en passant par des planches à pédale, des canoés, des avirons, et surtout de magnifiques gondoles, pas de celles qui promènent les touristes, non, de magnifiques vaisseaux, à 2, 4, 6, 8 rameurs et rameuses, aux gestes amples et nobles. C’est beau et émouvant. Au coup de canon, 9h00, toute la marine s’emballe. L’équipage d’Ania, Nadège, Valérie, Isa et Louis est déjà sur l’eau et aussitôt
s’engloutit dans le flux qui passe dans la joie. Nous les suivants à quelques secondes, très vite séparés par l’embouteillage turbulent et braillard. Quelques instants plus tard, Patrice rejoint la troupe. Le début est bien un peu stressant, tout le monde avance au mieux, se faufile, personne ne peut s’arrêter sous peine de bloquer le convoi. On évite comme on peut les poteaux, on essaye de ne pas cogner le bateau devant, de ne pas se faire cogner par celui d’à côté.
Mais l’ambiance est joyeuse, les sourires brillent au soleil, quelques chants résonnent, les coups sourds des tambours de certaines galères à vingt rameurs emplissent l’air, le serpent coloré sefaufile, implacable, gourmand. Impossible d’échapper, la longue file s’étire sur plusieurs kilomètres, devant, derrière, autour, les plus improbables objets flottants, encore vaillants….
Ste Hélène, la Certosa, Vignole, San Erasmo, le convoi se structure, s’organise, les plus pressés ont glissé vers l’avant, les promeneurs ont glissé vers l’arrière, la fourmilière a trouvé son rythme social et sportif. Le long canal qui ondule le long de San Erasmo est le moment le plus joyeux. Les muscles sont en plein rendement, la découverte reste magique, de la lagune, des rameurs, des décorations des bateaux, de la belle lumière matinale. Nous sommes encore dans l’émerveillement, le soleil reste courtois pour nos épidermes, le clapot lagunaire est négligeable.
Burano, point d’éloignement maximum. Sur tribord, une bande de terre couverte de plantes marines, déjà de nombreux navires y font escale. Louis et ses drôles de dames s’y sont posés, nous y posons aussi la pointe de la yolette, dans la vase. Pause vivifiante et gustative devant les maisonnettes colorées, les bateaux défilant devant ce décor si italien, fait de couleurs vives sur le bleu-vert de l’eau. Au loin passe le jaune vif des rameurs patriciens.
Le flux s’est allégé, les bateaux peuvent prendre leur distance, pour s’engager dans la grande traversée vers Murano. Vaste étendue d’eau, soleil implacable, clapot d’une petite houle ventée, hardi les rameurs, le silence règne à bord. A peine le petit ilot de San Giaccomo in paluda apporte-t-il une vague distraction dans cette vaste plaine aquatique inhospitalière. Enfin apparaissent les quais d’abord austères des canaux de Murano, traversés dans l’élan. Une petite pause nous fait oublier ces derniers kilomètres maritimes et ventés.
Et voici l’entrée du canal di Canareggio, qui amène vers le Grand Canal. C’est ici que toute l’Italie s’exprime dans la splendeur de son organisation, de sa courtoisie, de son amabilité, de sa sécurité. Comment décrire ? 2000 navires qui veulent entrer en même temps dans un canal de quinze mètres de large, comme si la place de l’Etoile se déversait aux heures de pointes dans une ruelle d’à peine une voie, et bien sûr tout le monde veut passer le premier, double à droite, à gauche. J’en soupçonne d’essayer par en-dessous. Sauf que là, tout le monde n’est pas à égalité.

Les gondoles et les pirogues diverses peuvent ranger leurs rames, mais pour nous, les avirons se coincent en tout sens, passant sous les coques, se bloquant entre les rameurs, tricotant avec celles des bateaux voisins. Un Italien typique, doublant tout le monde, me conseille de rentrer dans mon pays (sic) ! Un rameur marseillais me conseille itou de ne pas me plaindre, la dernière fois, il a attendu 2h30 (c’est un Marseillais !). Dix mètres en avant, trente en arrière, c’est … dantesque (si je ne la place pas là…). Et que fait la police ?
Deux hommes grenouilles, dont nous apercevons les têtes entre les coques, au milieu de la mêlée. Gag ultime : à l’instant où nous atteignons au graal de l’entrée, l’homme-grenouille nous hurle d’avancer, alors qu’un marinier nous bloque avec une gaffe, nous hurlant de nous arrêter…. E Viva Italia !!!
Nous nous faufilons enfin derrière une immense gondole menée par des moines en robe de bure,
impressionnants et rieurs.
La remontée du Grand Canal en est un peu gâchée, épuisés que nous sommes par les 30 km et par la tension nerveuse de cet embouteillage. Nous arrivons enfin au bout du canal, où un Italien volubile annonce les noms des rameurs à toute vitesse au passage des bateaux, et où depuis des pontons d’autres nous lancent le sac avec les médailles et le diplôme. Il ne reste plus qu’à revenir à Tronchetto. Nous redescendons le Grand Canal, dont nous profitons un peu plus, l’enjeu de la ligne d’arrivée n’étant plus. Arrivés au quai, nos camarades nous attendent et nous aident à remonter le bateau sur ce même quai encombré de poteaux, chaleureuse entraide saint-maurienne.
En remontant le Grand Canal, nous croisons le bateau d’Ania, Nadège, Valérie, Isa et Louis, de retour de la ligne d’arrivée. Ils ont également vécu l’aventure italienne à l’entrée du canal di Canareggio ! La police maritime et les deux hommes-grenouilles venaient de se mettre en poste pour tenter de réguler la circulation. Peine perdue ! Et j’avais oublié de mentionner les pointes des gondoles et des dragon-boat qui n’hésitaient pas à nous harponner !
Mais le bonheur de ramer sur le Grand Canal, de longer les palais vénitiens, de glisser sous le pont du Rialto, de saluer et d’être encouragés par les promeneurs attablés au bord de l’eau ou par des visiteurs du Guggenheim leur fait vite oublier l’embouteillage. Au son de « Francese, Francese », ils avaient passé la ligne d’arrivée, quelques minutes à peine avant le coup de canon qui annonce la reprise de la navigation par les bateaux à moteur. Lorsque nousles avons croisés dans le Grand Canal, ils profitaient, décontractés, des derniers hectomètres de cette belle aventure.

Participer à la Vogalonga, et découvrir Venise dans ces conditions, deviendrait bientôt un souvenir magique etimpérissable !
Mais avant, les muscles ankylosés doivent être détendus. Nous rentrons à l’hôtel à pied, trois kilomètres. Nous savons qu’après la douche, Nicolas nous a réservé une table de qualité. Il ne s’est pas trompé, le bougre, je vous le conseille comme coach touristique : le meilleur Spritz du séjour.

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